Je ne suis pas superstitieux parce que ça porte malheur, mais je me demande si causer moto dans mon billet d'hier de la semaine dernière du mois dernier (!) ne m'a pas porté la poisse...

En fin de semaine dernière, je suis retourné là où ça s'est passé. Là où le jeudi d'avant j'ai couché la moto (et moi avec) en pleine ligne droite cent mètres avant un rond point. Un endroit donc où il n'y a à priori aucune raison de tomber, surtout en l'absence de tout autre usager... Juste, j'ai freiné trop brutalement sur la chaussée humide et instantanément, la roue avant a glissé. Je n'ai même pas eu le temps de me dire "merdmerdmerd[1], je vais tomber !", j'étais déjà en train de glisser derrière ma moto qui elle faisait la toupie. Dans mon souvenir, la chronologie se déroule ainsi : Je serre la poignée de frein brusquement puis je glisse par terre avec la moto sur le mollet (douleur très vive et très courte), j'espère ne pas rester coincer dessous. Ensuite la moto s'éloigne de moi pendant que je continue de glisser sur les fesses. Comme elle tourne sur elle même, je vois passer la roue avant, le phare, la selle, le feu arrière, tout ça dans un bruit de métal qui griffe le bitume... Je croise les doigts mentalement pour que la bécane s'arrête avant de toucher un obstacle, histoire de l’amocher le moins possible.

Quand tout s'arrête, je jette un œil derrière moi pour vérifier qu'en effet personne ne me suit. Je regarde ensuite mon genou gauche : Le jean est fendu. Damned. J'inspecte à travers l'ouverture : ça ne saigne pas encore, c'est "juste" râpé sur un disque de 4 cm de diamètre, bon. C'est surtout le mollet qui est douloureux mais toutes les articulations fonctionnent. Je suis rassuré car, depuis le début de la glissade, ma crainte principale c'est une blessure grave qui m'immobilise, genre fracture.

Je suis donc retourné là bas, la semaine dernière. J'ai retrouvé les petites traces dans l'asphalte. Je pensais que la moto avait glissé sur une vingtaine de mètres mais il s'avère qu'il y a en vérité plus de quarante mètres entre la première marque au sol et l'endroit s'est arrêté la moto. Pendant que je réalise ça, je ramasse le bout de mon levier d'embrayage le long du trottoir. La boule est toute poncée par la route.
La moto, elle, est juste un peu moins jolie. Râpée en plusieurs endroit, un cligno cassé à l'arrière, l'embout de guidon arraché. Le support top case valise tout en alu a bien protégé l'arrière mais il est bien gratté lui aussi. Je voulais l'enlever, ce sera l'occasion. Mais je suis vexé. Ou triste. D'avoir abimé ma bécane bêtement, sans raison. Je n'ai pas raté un évitement de voiture qui refuse la priorité ou d'un chien qui traverse inopinément. Je n'ai même pas l'excuse du gasoil dans le rond point. Non. Juste j'ai mal freiné par rapport aux conditions d'adhérence que je savais précaires.

Il y a des pièces qui se remplacent, d'autres qui garderont les traces de cette chute. Je me dis que ce n'est pas plus mal. Ces stigmates seront les rappels tangibles et quotidien de la vigilance nécessaire au moment de prendre le guidon. Rétrospectivement, en refaisant à pied le chemin parcouru par la moto et moi, je mesure l'énergie dissipée, la violence de ce qu'aurait pu être un impact s'il y avait eu des obstacles. Même si j'en avais conscience, je réalise ce que ça représente et, sans verser dans le catastrophisme, à côté de quel drame potentiel je suis passé.

Note

[1] Référence au fameux Joe Bar Team